You're so far away (Carole King)
Ma sœur et moi cherchions un moyen de passer une année dans un pays anglophone, séjour sans lequel il n'existe pas de licence d'anglais digne de ce nom comme le clamait la feuille d'informations ISEP qu'on nous avait remise lors de notre inscription à Lille III. Nous savions que l'échange ISEP (et ses 24 000 francs) ne serait pas possible puisque ma mère avait refusé de m'envoyer en séjour linguistique aux Etats-Unis après le bac. Des fois... Nous avons trouvé la solution dans le dossier Etats-Unis du magazine Jacinte (il était super ce magazine quand même) ; pour les fauchés comme nous, il y avait la solution Amity Institute qui proposait des postes d'assistants de langue dans des lycées américains. Pas question de salaire (on va quand même pas vous payer parce que vous parlez une langue étrangère), mais rien à payer hormis le billet d'avion et une assurance personnelle. Les assistants sont logés dans des familles, travaillent trois heures par jour (enfin, si les profs les laissent) et prennent deux cours dont un ayant trait à la culture américaine. C'est vrai que nous aurions pu être assistantes au Royaume-Uni, mais je trouvais que c'était trop près. Et puis, s'il y a un problème, tu peux être tentée de rentrer. On espérait encore pouvoir rassembler l'argent pour ISEP grâce à notre passage à Casino Parade sur RTL. Mais le dernier jour, sur la dernière carte du PokeRTL, nous sommes retombées à 0 et n'avons donc pas empoché les 60 000 francs possibles (le maximum des gains sur ce jeu était de 250 000 francs). Bah, tant pis, que nous nous sommes dit, il nous reste Amity.
Nous avions demandé les Etats où nous avions des amis (Washington et New York). On nous a d'abord proposé à toutes les deux un poste à Minneapolis, mais il fallait partir depuis août et il restait à nos brillantes étudiantes quelques UV à repasser pour la session de septembre. En juillet, j'ai reçu une invitation pour un trimestre à Forrest City dans l'Arkansas. Début août, j'arrive à Sarrebruck pour travailler au centre de tri et ma sœur m'annonce que j'en ai reçu une deuxième pour le lycée de Manhattan, dans le Kansas. Ma sœur, elle, a reçu fin août une invitation pour un poste de huit mois dans les Tri-Cities de l'Etat de Washington (un établissement par trimestre). Nous acceptons ces invitations et donc, ce fameux 1er novembre de 1986, nous voilà à Orly. Je devais partir le matin pour Dallas et ma host sister devait venir me chercher à l'aéroport à Memphis, Tennessee. Ma sœur devait partir par l'avion de l'après-midi pour Chicago. Quand je suis allée enregistrer mes bagages, une femme s'approche de moi et me demande si j'accepterais de laisser ma place pour prendre le vol de l'après-midi en classe affaires. Je lui réponds : Bien sûr, mais ma sœur doit prendre ce vol et j'aimerais voyager avec elle. Pas de problème, on la mettrait aussi en classe affaires. Allez dans la salle d'embarquement, on vous dira à ce moment si nous avons besoin de votre place. Je fais mes adieux. Je me mets à pleurer dès que je pose le pied sur l'escalier roulant. Quand j'arrive à l'embarquement, on me confirme qu'on a besoin de ma place. Heureusement, ma famille est toujours là et nous allons déjeuner chez mon oncle. L'après-midi, nous voilà tous de nouveau à Orly. Pas de larmes cette fois quand nous faisons nos adieux à la famille. Et nous voilà toutes les deux en classe affaires, à bord d'un Boeing d'American Airlines à destination de Chicago.
Quand l'avion a décollé, c'est cette chanson que nous entendions dans nos écouteurs. Et là, nous nous sommes mises à pleurer. J'ai toujours beaucoup de mal à l'écouter.
De l'album Tapestry sorti en 1971.
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