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Sous la grêle osée
25 mai 2016

Splendeurs et misères des traductrices

C'était il y a trois ans et ils ne nous ont pas contactées depuis.

La vie d'un traducteur indépendant n'est pas de tout repos. Il doit sans cesse se battre pour maintenir ses tarifs. Notez bien que je n'ai pas dit augmenter ses tarifs.

Il y a un peu plus de trois ans donc (le 11 février 2013, le temps passe), ma sœur et moi recevons un message plutôt alléchant d'une agence avec laquelle nous travaillons depuis des années (elle a changé plusieurs fois de nom l'agence au gré des rachats et fusions). Le message nous est adressé par une nouvelle chef de projets (hasard, nous étions collègues dans la boîte où je travaillais en arrivant aux Etats-Unis. Evidemment, elle ne se souvenait pas de moi. Nous, les traducteurs, on ne compte pas.). Elle nous propose de devenir prestataire préférentiel pour un gros client (fabricant d'ordinateurs). Ce qui est drôle, c'est qu'une autre agence nous a déjà proposé la même chose pour le même client. Elle nous indique qu'il s'agit de traduction d'anglais en français (au cas où on aurait oublié). Elle nous fait ensuite un petit topo sur leur agence, sur les différentes équipes réparties dans le monde, et nous apprend que Gros Client les a ajoutés à sa liste de prestataires agréés et qu'elle propose un tas de services (ce qui voudrait dire un tas de projets divers et variés pour nous). Et là... Vous comprenez bien que nous avons dû nous montrer très agressifs pour être inclus dans cette liste, mais que cela représente un fort potentiel car tous les intéressés sont autorisés et encouragés à nous confier leurs projets. Et là, elle nous propose les tarifs suivants :

TEP : 0,12 $/mot

Autres tâches : 33 $/heure

Elle ajoute qu'elle a déjà un projet à nous donner et que le volume que leur confie Gros client ne cesse d'augmenter.

Ma sœur lui répond innocemment. TEP implique traduction, relecture et révision. Vous nous avez donné le tarif pour la traduction, mais vous n'avez pas indiqué de tarif pour les deux autres tâches. (J'avais mal au ventre tellement je riais.)

La chef de projets : 0,12 $, c'est tout compris.

Ma sœur lui répond que c'est vraiment trop bas.

Elle nous répond qu'elle a discuté avec XX (avec qui nous avons travaillé au début) et nous demande nos tarifs pour la traduction et la relecture (sans révision), et pour la traduction et une vérification ponctuelle.

Ma sœur lui répond 0,15 $ (0,12 $ + 0,03 $), soit notre tarif habituel pour les agences "à budget très limité", (on leur fait donc une réduction de 0,03 $ sur la traduction) et accessoirement le tarif que nous avons avec cette agence depuis un moment déjà (c'est important pour la suite). Ma sœur demande en outre une explication de "traduction et vérification ponctuelle". (Quel traducteur accepterait de livrer sans se relire ?)

La chef de projets confirme qu'ils ne peuvent pas aller aussi haut. Et XX nous demande le niveau de qualité que nous pouvons fournir (pas trop sûre si nous veut dire eux ou nous) pour 0,13 $ (le maximum possible), même si nous ne fournissons que la traduction. Ils préfèrent s'assurer les services d'une équipe de confiance et qui a fait ses preuves (là, c'est nous), et dépenser leur maximum avec elle.

Ma sœur lui répond que pour ce tarif, nous ne ferions que la traduction et l'auto-relecture, et pas notre relecture croisée habituelle. Elle ajoute que nous refusons les traductions marketing et juridiques. Nous avions dégusté sur des projets de ce type et nous ne les acceptons plus. J'ai beaucoup aimé la fin du message de ma sœur : Nous comprenons la nécessité de baisser vos tarifs (pas vraiment en fait), mais après 20 ans, nous sommes payées moins qu'à nos débuts. Nous avons donc décidé d'un tarif minimum et nous ne travaillons pas pour moins.

La chef de projets répond qu'il s'agit en fait de projets marketing et que ça ne collerait donc pas. Elle ajoute qu'elle sera ravie de travailler avec nous à l'avenir.

Quelques jours (semaines ?) plus tard, j'ai XX au téléphone. Elle me reparle de cette discussion. Elle m'avoue qu'elle avait trouvé que nous étions gonflées de demander autant. Je passe sur l'insulte et lui dis qu'après 20 ans, on ne peut pas accepter des tarifs aussi bas (je ne lui ai pas demandé si elle lisait les nouvelles ni si elle était allée au supermarché récemment). J'ajoute que le tarif que nous avions demandé était celui que nous avions avec eux pour un autre gros client. Elle a eu l'air surpris. Et non, depuis, nous n'avons pas travaillé non plus pour cet autre gros client.

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Commentaires
E
C'est vraiment un monde cruel ! Mon fils était attiré par la traduction mais il penche maintenant vers l'enseignement ou le journalisme. Ces études ne sont pas terminées, il a encore un an pour décider.
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S
Ah l'histoire se répète...<br /> <br /> Je n'avais pas compris que tu bossais avec ta soeur, c'est super :)<br /> <br /> D'ailleurs, je me pose la question de l'avenir et de mes tarifs : ça semble impossible de les augmenter ad vitam eternam mais comment faire en sorte que le métier reste intéressant ?<br /> <br /> Je n'ai qu'un an d'expérience en freelance et j'en ai déjà marre des demandes de remise pour volumes, pour promesses de gros contrats et autres...
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