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Sous la grêle osée
26 mars 2019

Do Not Say We Have Nothing (Madeleine Thien)

DoNotSay

Dans Les Filles de la campagne d'Edna O'Brien (si je me souviens bien), un homme fait écouter de la musique classique (un opéra ?) à une femme beaucoup plus jeune et beaucoup moins raffinée que lui. Il lui demande ce qu'elle voit quand elle ferme les yeux, et est très déçu (en colère même ?) quand elle lui décrit une scène bucolique avec petits oiseaux. Et bien, c'était moi, cette femme pas raffinée, lorsque je lisais Do Not Say We Have Nothing. La façon dont l'auteure décrit la musique, dont les personnages vivent la musique, m'est passée largement au-dessus de la tête. Pourtant elle parle beaucoup de Jean-Sébastien Bach (ah le baroque !) et des Variations Goldberg. Mais j'ai trouvé cela très froid et trop théorique. Et comme mes connaissances en théorie de la musique se limitent aux cours de solfège et de flûte à bec au collège, je suis restée totalement hermétique à certains passages.

En fait, je ne savais pas du tout de quoi ce livre parlait. J'avais juste été attirée par son titre. Il s'agit de la traduction anglaise d'un vers de l'une des versions chinoises de l'Internationale. Dans ce livre, Madeleine Thien retrace le communisme en Chine populaire, de la fin de la guerre à nos jours, à travers l'histoire d'une famille. Parallèlement, elle raconte l'histoire de Marie, fille d'immigrés chinois au Canada dont la vie est bouleversée par l'arrivée chez elle d'une jeune fille, Ai-Ming, qui fuit la Chine après les manifestations de Tian'anmen. Elle espère rejoindre les États-Unis et profiter de l'amnistie offerte par le gouvernement américain aux réfugiés. Leurs deux familles sont liées car le père de Marie avait été élève du père d'Ai-Ming au conservatoire en Chine. La vie de ces deux hommes va être profondément changée par la Révolution culturelle. Le père d'Ai-Ming est envoyé à l'usine pour être réformé (après la destruction de tous les pianos du conservatoire) et le père de Marie devient le musicien chéri du parti. La famille du premier est mal vue : son père, camarade de route de Mao, exécutant enthousiaste de la réforme agraire, n'est plus en odeur de sainteté avec le parti car il critique un peu trop, et la sœur et le beau-frère de sa mère ont été envoyés en camp de travail car ils étaient propriétaires. La famille du second, originaire de la campagne, ayant été massacrée, celui-ci est intouchable.

J'ai trouvé passionnante cette saga familiale et aimé cette façon de raconter les événements qui ont eu lieu en Chine au long de cette période. J'avais bien entendu parler de tout ça (les réformes, la révolution culturelle, la place Tian'anmen, la bande des quatre), mais je n'avais rien lu qui en traitait ainsi en profondeur. J'ignorais par exemple que le parti décidait (décide ?) de l'endroit où tu vivais, du métier que tu exerçais. Quant à ces séances d'auto-critique et à ces « procès », ils sont particulièrement atroces et insoutenables. L'auteure rend bien cette atmosphère de suspicion et d'angoisse qui règne, où tu n'oses plus rien dire et où tu dois te méfier de tout le monde (même de ta famille). Et ces élèves du conservatoire complètement endoctrinés et totalement enragés, tu ne comprends plus pourquoi ils étudiaient la musique si cela était si subversif. Ils passent leur temps à dénoncer les crimes de leurs professeurs par voie d'affiches. Certains en réchappent, on ignore comment. La partie sur les manifestations de Tian'anmen m'a fait penser à une de mes camarades de classe. Elle était diplômée de l'Université des langues étrangères de Pékin et avait suivi son mari en France. Elle me racontait qu'elle allait manifester devant l'ambassade de Chine à Paris et que Deng Xiaoping avait fait son temps. Et je me demandais comment tout cela allait finir.

Malgré tout, ma lecture a été laborieuse. D'abord, j'ai été déroutée par le nom des personnages. S'agissait-il de surnoms ? De la traduction des prénoms en anglais ? J'aurais préféré des noms chinois. Ensuite, j'ai trouvé la description des émotions des personnages fastidieuse. Évidemment, dans un pays où tout est réglementé et où il vaut mieux tout garder pour toi, j'imagine qu'à un moment, tu exploses. Mais j'ai trouvé que cela ralentissait trop le récit, surtout que les pensées des personnages me semblaient souvent saugrenues. Ce côté émotionnel ne m'a pas touchée. Au contraire.

Il y a bien d'autres aspects dans ce roman que je n'évoquerai pas (mon billet est déjà assez fouillis comme ça). Dans l'ensemble, je l'ai trouvé très beau, mais aussi très difficile. Je le recommande tout de même, ne serait-ce que pour en savoir plus sur la Chine. (Et malgré certains faits qui semblent tout droit sortis de Wikipédia.)

Le site de l'auteure : http://madeleinethien.com/bio

En français : Nous qui n'étions rien (traduction : Catherine Leroux)

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Commentaires
A
Ton avis mitigé me fait fortement hésiter.
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