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Sous la grêle osée
9 février 2010

Quand le cinéma français blanchit Alexandre Dumas

Mon cousin par alliance en avait parlé sur Facebook. Je suis tout à fait d'accord avec Emmanuel Goujon et Serge Bile. Encore heureux qu'Alexandre Dumas ne figure pas parmi les auteurs francophones ou africains, comme les auteurs antillais.

http://www.rue89.com/2010/02/09/quand-le-cinema-francais-blanchit-alexandre-dumas-137510

On ne peut qu'être admiratif devant le talent de Gérard Depardieu [1] qui a, dans sa longue et riche carrière, incarné, avec une facilité déconcertante, de grands personnages historiques à la perfection : de Danton à Vatel, de Christophe Colomb à Vidocq. Un côté caméléon et une aisance prodigieuse qui pourraient, à eux seuls, expliquer le choix du réalisateur Safy Nebbou [2] de lui confier le rôle de l'écrivain Alexandre Dumas dans son film « L'Autre Dumas » [3], qui sort mercredi. Un choix néanmoins étonnant, au moment où la France se gargarise de diversité et de promotion des minorités visibles.

Que personne n'ait trouvé à redire à ce tour de passe-passe est encore plus surprenant. Que n'aurait-on pas dit, à l'inverse, si pour les besoins d'un film, Denzel Washington avait incarné Jean Moulin, si Pascal Légitimus avait donné son visage à Molière, et si Sonia Rolland s'était prise pour Jeanne D'Arc ?

Le célèbre écrivain avait un père métis

Peu de gens le savent aujourd'hui, mais le célèbre écrivain avait un père métis : Thomas Alexandre Davy-Dumas de la Pailleterie [4], fils d'une esclave et d'un petit propriétaire de Saint-Domingue. Grâce à son courage au combat, il devint général sous la révolution et fut même considéré un moment comme un rival potentiel du général Bonaparte.

Alexandre Dumas se décrivait, d'ailleurs, lui-même, dans ses « Mémoires », comme un « nègre », avec des « cheveux crépus » et un « accent légèrement créole ». Tout l'inverse, à l'évidence, de… Gérard Depardieu.

En gommant ces traits, le film de Safy Nebbou occulte un aspect essentiel de la vie de l'auteur du Comte de Monte Cristo : le racisme. En 2002, lors du transfert des cendres de Dumas au Panthéon [5], Jacques Chirac, avait rappelé que ce « fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir » avait dû « affronter les regards d'une société française » qui « lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l'époque voudront le réduire ».

Le cinéma a pris, par le passé, la liberté de confier des rôles de Noirs à des acteurs blancs qu'on prenait soin de grimer. « L'Autre Dumas » s'inscrit dans cette veine négationniste qui, quand elle ne blanchit pas, occulte, de la mémoire collective, les grands hommes issus de l'Outre-Mer : le Chevalier de Saint Georges [6], Gaston Monnerville [7], Félix Eboué [8]. Sans parler de ces grands oubliés que sont les Tirailleurs sénégalais qui ont pourtant « sauvé » la France.

Blanchiment de Dumas ?

En blanchissant Dumas, le film de Safy Nebbou rate une occasion de combler une lacune chez ceux qui le verront et qui ignorent, pour la plupart, que l'auteur des « Trois Mousquetaires » était un « nègre ». Ce « détail » risquait-il de troubler les spectateurs voire d'affecter la commercialisation de l'œuvre ? Pas impossible quand on sait que, pour le cinéma tricolore, un acteur français, métis ou noir, n'est pas « bankable »…

Safy Nebbou avait, avec ce film, l'opportunité également de donner un signal fort, à l'heure où ce pays s'embourbe dans un débat sur l'identité nationale, faisant sournoisement la part belle à tout ce qui est « blanc et catholique ». Une insulte à Dumas, dont le génie, tout français qu'il était, plongeait, profondément, ses racines Outre-Mer et en Afrique.

Là, où il repose, et où la couleur de la peau n'a, fort heureusement, plus beaucoup d'importance, Alexandre Dumas ne doit pas pour autant se retourner dans sa tombe. Il en a vu d'autres. Mais, il est regrettable, qu'aujourd'hui, sur cette terre de France, la couleur soit encore un problème au point qu'on préfère la gommer.

Photo : Alexandre Dumas (Felix Nadar/Wikimedia commons)

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Commentaires
J
Tonton : Chacun son opinion. Parce que c'est toi, je vais laisser ton commentaire.
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T
Surtout n'hésite pas à supprimer tout commentaire (de ma part) que tu trouverais abusif. On est chez toi, ici.<br /> Je serai vexé comme un pou, mais pas longtemps. :)
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K
Entièrement d'accord avec toi et "les piles", je commence à en avoir marre de voir toujours les mêmes acteurs (même si j'aime bien depardieu), il y a assez de métis qui attendent de trouver un rôle à leur mesure, et cela aurait été l'occasion!.. encore une fois tout est une question de fric!
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J
Tonton : Mais oui, je te pardonne. Mais le ton de ton commentaire m'avait choquée, je dois dire.<br /> <br /> Les piles : Il pourrait nous jouer Gaston Monnerville, le noir qui a failli être président.
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T
Ah oui, bien vu.<br /> Jackie, pardon pour mon ton (-ton) ronchon.
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