My Brilliant Life (Ae-ran Kim)
Un livre de 2011, une adaptation au cinéma et une traduction française en 2014. Et enfin, une traduction en anglais qui sortira en janvier 2021. Oui, 10 ans. J'ai le temps de noter le titre et de l'oublier 10 fois. Heureusement, les maisons d'édition anglophones se décident à publier des traductions de livres coréens et japonais. Tant mieux pour moi qui m'intéresse à la Corée et au Japon (mais dont les études des deux langues correspondantes ne sont jamais allées très loin), et qui refuse de lire des traductions vers le français de romans contemporains depuis Kyoko de Ryu Murakami (la langue évolue certes, mais je ne suis pas obligée d'aimer cette évolution. L'anglais n'est pas ma langue maternelle et les tics de traduction d'une langue asiatique vers l'anglais me gênent moins.). Bref, j'étais ravie de lire enfin My Brilliant Life.
Les parents d'Areum se sont mariés très (très) jeunes pour cause bébé. Et ce bébé est particulier car il souffre d'une maladie rare : la progéria, qui se caractérise par le vieillissement prématuré des personnes atteintes. Déjà à peine préparés pour s'occuper d'eux-mêmes et réfléchir à leur avenir, les parents d'Areum doivent faire face à la situation. C'est Areum qui nous raconte l'histoire de ses parents : leur rencontre, la réaction de leurs familles, la réaction de leur entourage, leur nouvelle vie. Il décide d'en faire un manuscrit qu'il leur offrira le jour de ses 17 ans (l'âge qu'avaient ses parents quand il est né) puisqu'il ne recevra jamais ni diplôme ni prix. Areum espère qu'il lui restera assez de temps pour terminer.
J'ai trouvé Areum et ses parents très attachants. Areum, qui ressemble à un vieillard et souffre des troubles de la vieillesse, a des réactions d'enfant, mais doit parfois se comporter en adulte vis-à-vis de ses parents. Et ceux-ci qui ont parfois des réactions d'ado (j'ai adoré le passage sur la grossesse de la maman), mais qui font tout pour leur fils et oublient parfois qu'il est fort malgré son apparence frêle et peut participer aux décisions le concernant. Ils forment une équipe finalement solide : quand l'un se laisse aller au découragement, l'autre prend le relais. Et la famille arrive à faire de l'humour malgré la gravité de l'état d'Areum : c'est à la fois émouvant et fantastique.
Le roman semble tellement simple qu'il m'est difficile de le raconter et de l'expliquer. Je ne me souvenais plus du sujet du roman et je n'ai pas revérifié avant de le lire, je n'avais donc pas d'attente particulière. Et si ce n'est pas totalement un coup de cœur (un des événements était un peu trop prévisible à mon goût puisque je l'ai déjà vu dans d'autres romans), je le recommande.
Titre original : 두근두근 내인생
Traduction : Chi-Young Kim
Titre français : Ma vie palpitante
Merci à Ae-ran Kim, à Macmillan-Tor/Forge, à Netgalley pour cet exemplaire en avant-première.
Bestiary (K-Ming Chang)
Est-il possible pour un auteur d'avoir trop d'imagination ? À la lecture de Bestiary, c'est l'impression que j'ai eue.
La couverture ne m'inspirait pas des masses, mais j'ai lu "Three generations of Taiwanese American women" dans la description et ça m'a suffi. Cinq mots après, "myths" aurait dû m'inspirer méfiance, mais je me suis dit que ce serait supportable. Si j'avais vu que l'autrice était poète, je n'aurais pas essayé.
Alors, de quoi Bestiary parle-t-il ? Je n'en sais rien ! Il y avait une histoire de trous, de liquides et de sécrétions de toute sorte qui entrent et sortent par une série d'orifices. Et des épisodes très violents. Je voulais lire ce roman parce qu'il parlait d'immigrés aux États-Unis. C'est la seule chose qui m'a intéressée en fait. Mais c'est perdu dans un tel amas d'histoires sans queue (contrairement à un personnage) ni tête que cet aspect n'a pas "sauvé" le roman pour moi. Sur Goodreads, je viens de lire les explications de l'auteur. Je comprends mieux ce qu'elle a voulu faire et j'ai l'impression d'être passée complètement à côté. Ou bien ce n'était pas du tout pour moi. J'ai terminé les 272 pages en me forçant beaucoup à la fin.
Le site de l'autrice : https://www.kmingchang.com/
Merci à K-Ming Chang, à Random House et à Netgalley pour cet exemplaire en avant-première.
It's Not All Downhill From Here (Terry McMillan)
Terry McMillan a 15 ans de plus que moi. J'ai lu tous ses romans (Waiting to Exhale reste mon préféré) et j'attends toujours le suivant avec impatience. Je ne dirais pas que Terry McMillan est ma life coach, mais comme le vécu transparaît toujours dans ses romans, elle m'aide à comprendre ce qui va m'arriver alors que j'avance en âge (et à prendre des mesures avant qu'il ne soit trop tard ?). Vous trouvez peut-être que j'exagère ? À peine.
Loretha va fêter ses 68 ans. Comme elle en a assez des surprises-parties (au sens américain du terme), Carl, son troisième mari, décide de l'emmener en week-end en amoureux. Après avoir travaillé des décennies sans relâche, ils ont une vie plus que confortable : Carl est maître d'œuvre à la retraite mais refuse d'arrêter de travailler ; Loretha a deux magasins où elle vend des cosmétiques. Elle refuse d'écouter son médecin qui lui recommande de perdre du poids et de faire de l'exercice. Elle est encore trop jeune pour ça et il sera toujours temps de commencer. Malheureusement, Carl avec qui elle comptait finir ses jours (après deux échecs, elle a enfin trouvé le bon) décède. Et Loretha est désemparée.
Une histoire toute simple en somme, même si la vie de Loretha est plutôt compliquée. Elle a un groupe d'amies de longue date avec lesquelles elle partage tout. Son fils vit au Japon et sa fille est alcoolique. Elle ne s'entend pas avec sa sœur jumelle qui est devenue une grenouille de bénitier depuis qu'elle a pris sa retraite de la police. J'aurais pu faire sans l'histoire de la sœur jumelle (apparemment, dans les romans, les jumeaux ne sont intéressants que s'ils ne s'entendent pas ou sont psychopathes), mais bon... Le récit suit son cours simplement, avec quelques retours en arrière de temps en temps.
Et en fait, je n'ai pas grand chose à dire de plus. Même si Terry McMillan aborde des thèmes importants, j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de remplissage et trop de personnages. Le livre ne m'a pas déçue, mais il ne m'a pas emballée non plus.
J'aime beaucoup l'épigraphe : You cannot go back and change the beginning, but you can start where you are and change the ending. C'est parfait pour moi qui pense souvent "si j'avais fait ça...".
Merci à Terry McMillan, à Random House Publishing Group et à Netgalley pour cet exemplaire en avant-première.
New Waves (Kevin Nguyen)
La description qui parlait de heist gone wrong (braquage qui a mal tourné) m'avait fait penser qu'il s'agissait d'un livre policier. Elle parlait aussi du milieu de la tech et j'aurais dû me dire qu'on pouvait parler de heist en ligne. Les protagonistes préparent bien un vol dès le début du roman, "mais" il s'agit du vol de la base de données des utilisateurs d'une société. Donc, pas de voyous, ni individus louches. Juste Margo et Lucas, deux collègues employés dans une startup et compagnons de cuite. Margo, jeune femme noire, ingénieure informatique de talent qui refuse les compromis quand il s'agit de la qualité du travail. Lucas, le narrateur. Margo, la seule noire de la société, et Lucas, seul Asiatique de la société à occuper un poste subalterne (il est au service clients), deviennent amis. Ou plutôt, Lucas est en admiration devant Margo qui sait ce qu'elle veut, contrairement à lui qui semble se laisser porter. La seule grande décision qu'il a prise, c'est de quitter son trou de l'est de l'Oregon (et le restaurant de ses parents : son père est vietnamien, sa mère, chinoise) pour venir à New York. Excédée d'être sans cesse rabaissée par ses collègues sous prétexte qu'elle n'a pas l'esprit d'équipe et qu'elle ne cadre pas avec la culture de l'entreprise, Margo démissionne (avant d'être virée) et entraîne Lucas avec elle. Elle décide de voler la base de données de la startup pour la donner à un concurrent, en échange d'un poste pour elle-même et pour Lucas. Pris de remords, ils décident d'effacer le fichier et de ne plus en parler. Mais un jour, à la sortie d'un bar, Margo est écrasée par une voiture et Lucas se demande s'il s'agit d'un accident.
Raconté comme ça, le livre peut sembler quelconque. Et à la lecture, on peut trouver qu'il ne se passe rien. Moi, je suis tombée sous le charme. De Lucas tout d'abord. Qui cherche à nouer des relations qu'il n'a pas dans l'Oregon, quitte à les trouver en ligne, dans PORK, un groupe exclusif de mélomanes qui recherchent des enregistrements rares, les numérisent (en FLAC et surtout pas en MP3) et les mettent en ligne pour créer une discothèque, et se retrouve "orphelin" quand le groupe disparaît du jour au lendemain. De Margo, touchante dans son intransigeance et dans ses rêves, dont elle parle constamment, mais qu'elle n'essaie jamais de réaliser, et malgré son emprise sur Lucas. Quand ce dernier se rend compte que Margo était l'une de ses héroïnes du groupe en ligne disparu, avec laquelle il collaborait fréquemment, il est heureux de pouvoir cultiver cette amitié dans la vraie vie, même si la Margo en ligne, ouverte et optimiste, lui semble diamétralement opposée à la Margo du bureau, cynique et sceptique. Leur amitié peut sembler à sens unique : Margo parle et Lucas écoute, Margo décide et Lucas suit. Quand Margo disparaît, Lucas est perdu. En "enquêtant" sur sa mort, il découvre tout un pan de l'existence de Margo qu'il ignorait.
J'aurais aimé que Margo ne meurt pas et voir l'évolution de sa relation avec Lucas. Car, voici mon bémol, Lucas est obligé de passer par un troisième personnage pour en savoir plus sur son amie. Ce troisième personnage, bien que très intéressant, m'a souvent fait l'effet d'un intrus. Et c'est tout ce que j'ai regretté dans ce roman qui m'a beaucoup touchée. Le portrait du milieu de la tech est particulièrement réussi.
Ce qui m'a le plus marquée : la musique que recherchent Margo et Lucas sur PORK : des enregistrements de city pop (Hello Yumi Matsutoya!) pour elle, et de bossa nova (d'où le titre) pour lui.
Un coup de cœur !
Merci à Kevin Nguyen, à Random House Publishing Group et à Netgalley pour cet exemplaire en avant-première.
Reggaetón Lento (Bailemos) (CNCO)
Trois nuits blanches (pas à la suite heureusement) pour terminer des projets. Pour tenir, voici notre secret. On démarre avec du thé vert (nous ne buvons pas de café), des Babybel et des noix de pécan, et des mandarines, Reggaetón Lento de CNCO, Dominar de Nelson Freitas et Boy with Luv de BTS (dans cet ordre). Pas de chanteurs francophones pour ne pas être distraites. Et pendant la traduction, Le Quattro Stagioni de Vivaldi (même si l'allegro est toujours un peu limite pour nous) et Doppelkonzert für zwei Violinen d-Moll de Johann Sebastian Bach (je mets les noms en version originale pour éviter les commentaires de mes collègues italiens et allemands). Et quand on fait une pause, City Lights de William Pitt pour se dégourdir les jambes.
Livres 2019
Un bilan qui ne sera pas beaucoup plus qu'une liste. Je suis submergée par le boulot (même si je prends toujours le temps de lire un peu) et j'en ai encore pour quelques semaines. Désolée pour la présentation hyper moche, mais je ne peux pas faire plus.
- Leah Franqui : America for Beginners (j'ai été attirée par le titre et par le sujet : une riche veuve indienne part aux États-Unis pour savoir ce qui est arrivé à son fils renié par son père après lui avoir avoué son homosexualité. L'autrice vit en Inde, mais j'ai trouvé les personnages un peu trop caricaturaux pour apprécier pleinement l'histoire. Finalement, c'est le récit de la vie du fils qui m'a plu.)
- Tara Westover : Educated (Si j'ai trouvé le livre intéressant dans l'ensemble, il y a beaucoup trop de choses qui m'ont semblé suspectes. Mais je reconnais le courage incroyable de Tara Westover.)
- Stephen Markley : Ohio
- Richard Wagamese : The Next Sure Thing
- Elliot Ackerman : Waiting for Eden
- Hughes Barthéléry : Ti Chal (pièce de théâtre en créole. Mon oncle était ravi de discuter avec moi de certains points de vue que je ne partage pas.)
- Kiese Laymon : Heavy
- Jason Reynolds : Ghost
- Angie Thomas : On the Come Up
- Jacqueline Woodson : Another Brooklyn (beaucoup de passages où j'étais larguée intellectuellement)
- Lorraine Hansberry : A Raisin in the Sun
- Attica Locke : Black Water Rising
- Martin Luther King Jr : Letter from Birmingham Jail
- Ernest Lavisse : Histoire de France - De la Gaule à nos jours (c'est bien de nous avertir que les idées exprimées dans l'édition originale peuvent paraître choquantes de nos jours pour se montrer encore plus rétrograde dans la mise à jour. Sympa quand même.)
- Madeleine Thing : Do Not Say We Have Nothing
- Dawn Dumont : Nobody Cries at Bingo
- Anissa Gray : The Care and Feeding of Ravenously Hungry Girls (je me méfie toujours un peu des histoires de jumelles. J'ai l'impression que les auteurs veulent toujours tellement montrer que ce sont bien deux personnes distinctes (duh !) qu'ils en font des tonnes pour évoquer leurs différences. L'histoire est intéressante, mais sans plus.)
- Devi S. Laskar : The Atlas of Reds and Blues
- Meg Medina : Merci Suárez Changes Gears (un roman pour jeunes ados qui traite d'un sujet difficile (la maladie d'Alzheimer) et des tracas d'une ado pauvre qui va dans une école de riches. Pas mal.)
- Robin DiAngelo : White Fragility: Why It's so Hard for White People to Talk About Racism (pendant tout le livre, je me suis répété que Robin DiAngelo était très courageuse d'aborder ce sujet. Et les réactions des participants à ses séminaires sont très révélatrices. Je compte le relire encore et encore.)
- Raphaël Confiant : L'enlèvement du mardi-gras (la fin est très pessimiste quant à l'avenir de la Martinique)
- Dave Eggers : The Parade
- Irina Reyn : Mother Country
- Jim Thompson : Cropper's Cabin
- Glory Edim : Well-Read Black Girl
- Dawn Dumont : Glass Beads
- Bill Konigsberg : The Music of What Happens
- Ron Rash : Burning Bright (je n'avais rien écrit sur ce recueil de nouvelles, mais je l'ai beaucoup aimé. Certaines sont percutantes.)
- Tanya Tagaq : Split Tooth
- Kali Fajardo-Anstine : Sabrina & Corina
- Nefertiti Austin : Motherhood So White
- Rivka Galchen : American Innovations
- Yukiko Motoya : The Lonesome Bodybuilder (du bon et du moins bon dans ce recueil de nouvelles. Une en particulier que j'ai trouvé vraiment trop longue.)
- Serge Bilé : Les Noirs dans l'Histoire : Clichés et préjugés de l'époque coloniale à nos jours
- Samira Ahmed : Internment
- Truman Capote : In Cold Blood
- Bridgett M. Davis : The World According to Fannie Davis: My Mother's Life in the Detroit Numbers
- Jenn McKinlay : Sprinkle with Murder (le premier de la série et le dernier aussi pour moi. Tellement sucré que j'en ai eu des caries.)
- Jessica Bruder : Nomadland: Surviving America in the Twenty-First Century (le capitalisme pur et dur)
- James Baldwin : Little Man, Little Man: A Story of Childhood
- Michael Dobbs : The Unwanted: America, Auschwitz, and a Village Caught in Between (lecture très éprouvante. J'ai souvent eu les larmes aux yeux. Le comportement honteux et la lâcheté de l'Amérique, de la France et des autres. À lire.)
- Michèle Gates Moresi : Pictures with Purpose: Early Photographs from the National Museum of African American History and Culture
- William Melvin Kelley : A Different Drummer
- Jenny Kay Dupuis : I Am Not a Number
- Katherena Vermette : The Girl and the Wolf
- Anna Hope : Wake
- Richard Wagamese : Keeper'n Me
- Colson Whitehead : The Nickel Boys
- Richard Wagamese : One Native Life
- George Takei : They Called Us Enemy
- Jean Kwok : Searching for Sylvie Lee
- Richard Wagamese : Starlight
- Regina Porter : The Travelers
- Ocean Vuong : On Earth We're Briefly Gorgeous
- Jim Thompson : Pop. 1280
- Helon Habila : Travelers (les "migrants" en Europe. Malgré quelques situations un peu trop opportunistes, un excellent roman sur cette crise dans différents pays.)
- David Chariandy : I've Been Meaning to Tell Yo: A Letter to my Daughter
- William Gardner Smith : Return to America (William Gardner Smith, installé en France depuis 1951, repart aux États-Unis à la fin des années 60 voir où en est la question raciale. Certaines rencontres font froid dans le dos.)
- Mayotte Capécia : Je suis Martiniquaise
- Wab Kinew : The Reason You Walk (j'espère toujours écrire quelque chose sur ce livre).
- Hwang Sok-yong : At Dusk (la modernisation de la Corée)
- Craig Johnson : Land of Wolves
- Richard Wagamese : For Joshua: An Ojibway Father Teaches His Son
- Ta-Nehisi Coates : The Water Dancer
- Amélie Nothomb : Soif (ça commence comme le dernier épisode de Seinfeld, et puis malheureusement, ça devient laborieux)
- Patti Laboucane-Benson : The Outside Circle
- Pablo Medina : The Cuban Comedy (pas plus que ça)
- Richard Wagamese: One Story, One Song
- Sarah M. Broome : The Yellow House (La Nouvelle-Orléans moins touristique)
- Kevin M. Levine : Searching for Black Confederates: The Civil War's Most Persistent Myth (avec toutes les insanités qu'on trouve sur Internet...)
- Jacqueline Woodson : Red at the Bone (évocation des émeutes raciales à Tulsa en 1921 dans l'Oklahoma et leurs conséquences sur une famille noire de nos jours)
- Lupita Nyong'o : Sulwe (une petite fille qui pense qu'elle est moins belle que sa sœur parce qu'elle est plus foncée)
- Hiroko Oyamada : The Factory
- Nikki Khanna : Whiter: Asian American Women on Skin Color and Colorism
- Keum Suk Gendry-Kim : Grass
- Sierra Crane Murdoch : Yellow Bird: Oil, Murder and a Woman's Search for Justice in Indian Country
- Patrick Modiano : Encre sympathique
- Michael Emmerich : The Book of Tokyo: A City in Short Fiction (des nouvelles qui se passent à Tokyo par différents auteurs japonais)
- Beth Piatote : The Beadworkers (billet à venir, j'espère)
- Tanya Talaga : Seven Fallen Feathers: Racism, Death, and Hard Truths in a Northern City (billet à venir, j'espère)
- Richard Van Camp : Moccassin Square Gardens (billet à venir, j'espère)
- Jason Reynolds : Patina
- Zalika Reid-Benta : Frying Plantain (billet à venir, j'espère)
En rouge, mes coups de cœur de l'année. Cinq recueils de nouvelles ou de stories, quatre romans, un livre pour enfants et deux non-fictions.
Mon coup de cœur TOTAL de l'année : Letter from Birmingham Jail. Je ne sais pas pourquoi j'ai attendu aussi longtemps pour le lire.
Mes couvertures de l'année :
Grass (Keum Suk Gendry-Kim)
Femmes de réconfort. 慰安婦 (ianfu) en japonais. On aurait presque l'impression qu'elles étaient volontaires. On aurait presque l'impression qu'il s'agissait de femmes. Femmes de réconfort, c'est la traduction française de cet euphémisme employé par les Japonais pour parler des filles et des femmes qui servaient d'esclaves sexuelles aux soldats dans les territoires occupés aux alentours de la Seconde Guerre mondiale.
Dans Grass, Keum Suk Gendry-Kim raconte la vie d'Ok-sun Lee, jeune Coréenne « vendue » par ses parents. Sa mère refuse de l'envoyer à l'école (une fille n'en a pas besoin selon elle) car elle doit s'occuper des petits, et trouver à manger quand il ne leur reste plus rien. Quand on lui dit qu'elle pourra manger à sa faim et surtout aller à l'école, Ok-sun accepte d'être adoptée par un couple sans enfant qui tient un magasin de udon à Busan. Évidemment, rien ne se passe comme prévu et la petite fille doit travailler. Au bout d'un mois, elle demande à aller à l'école. Le propriétaire lui répond que c'est cher et qu'il n'a pas encore les moyens. Quand on l'envoie dans l'arrière-boutique pour servir à boire à un client et qu'elle refuse de faire ce genre de travail, elle est vendue à des taverniers qui la maltraitent. Un jour, elle est enlevée et envoyée en Chine pour servir de femme de réconfort aux soldats japonais.
L'histoire d'Ok-sun est une suite d'horreurs qu'elle finit par raconter, après bien des réticences, avec humour et avec colère à l'autrice du roman graphique, venue l'interviewer dans la « maison du partage » où elle finit ses jours après avoir passé sa vie en Chine. À 91 ans, Ok-sun Lee continue de se battre pour que le Japon reconnaisse franchement ses torts et présente de réelles excuses, et accepte de dédommager les victimes de ses atrocités.
Je n'étais pas très fan de la façon de dessiner les personnages au début de l'histoire. Mais finalement, ce n'est vraiment pas important au vu de la puissance du récit et de ce que Ok-sun a subi. On ne peut qu'admirer son courage et sa volonté.
Je recommande ce roman émouvant, mais il faut s'accrocher.
Extrait : https://www.drawnandquarterly.com/sites/default/files/docs/samples/9781770463622_sample.pdf
Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Femmes_de_r%C3%A9confort
Traduction : Janet Hong
Titre français : Les mauvaises herbes Traduction : Loïc Gendry
The Factory (Hiroko Oyamada)
Il y a des livres auxquels on ne comprend rien, il y a des livres qui vous intriguent. Ça ne veut pas dire qu'ils ne vous plaisent pas. En tout cas, on n'en est pas vraiment sûr. Et bien, The Factory, c'est ça. Quand je l'ai refermé, je me suis demandé ce que je venais de lire. J'ai plutôt aimé, mais franchement, j'aurais eu du mal à raconter l'histoire. Déjà, je n'avais pas compris qu'il y avait trois personnages. Alors que le premier chapitre (déjà, il faut voir qu'il s'agit de chapitres) parlait d'une femme, son prénom a une lettre de moins dans le deuxième. J'ai pensé à une faute de frappe. Puis, après quelques pages, le pronom he (il) est utilisé à son sujet. J'ai pensé à une autre faute de frappe : he au lieu de she. Dans le troisième chapitre (déjà, il faut voir que le troisième chapitre commence), un autre personnage apparaît. Je suis allée voir le résumé et c'est là que j'ai vu qu'il y avait TROIS personnages. J'aurais dû attendre d'avoir l'esprit plus clair avant de lire ce roman.
L'histoire : une femme et deux hommes trouvent un emploi dans la grande usine de leur ville. L'usine domine la ville et constitue une ville dans la ville. Certains employés n'ont même pas besoin d'en sortir car ils ont tout sur place : logements, magasins... La femme, qui ne reste jamais longtemps au même poste, se retrouve préposée à la destruction de documents. Le premier homme, qui comptait consacrer sa vie à la bryologie (et vivre éternellement chez ses parents), est embauché pour un projet de toiture végétalisée et vit sur place dans une maison où se trouve également son laboratoire. Le deuxième homme (on apprend plus tard qu'il s'agit du frère de la broyeuse de documents) vient de perdre son emploi d'informaticien et, grâce à sa copine responsable d'une agence d'intérim, occupe en attendant un poste de relecteur/correcteur. Il travaille, dans une équipe de femmes apparemment décidées à le gaver de sucreries, sur des textes divers sans rapport avec l'activité de l'usine. Activité qui est d'ailleurs floue puisque personne ne semble savoir ce que l'usine produit exactement. Autour de cette dernière grouille une faune de ragondins (pas de petits, que des adultes), de cormorans noirs (pas de petits, que des adultes), de lézards des lave-linge (l'usine a une buanderie impressionnante voisine de la maison-laboratoire du premier homme) et un type, qui porte l'uniforme de la société, qui tente d'arracher le pantalon des imprudents qui s'aventurent dans la forêt de l'usine. Vous suivez ?
Je ne vous donne pas plus de détails, parce que ce livre, il faut le lire pour le croire. Il ne fait que 116 pages. Je ne lui ai trouvé qu'un passage pénible : l'exposé que fait un garçon d'une dizaine d'années sur les animaux que l'on trouve autour de l'usine. Cet exposé est confié au chercheur et se retrouve parmi les documents du correcteur.
Voilà, j'espère que je vous ai bien embrouillés comme ça. Donc, quand j'ai refermé le livre, je me suis demandé ce que je venais de lire. Heureusement, ma sœur l'a lu après moi et m'a fait une remarque sur le livre. Et tout est devenu clair. Merci ma sœur !
Roman vraiment très déconcertant et très spécial que j'ai aimé. Il rejoint tout à fait la réflexion que je me faisais en allant au bureau. Je traduis des logiciels qu'on a créés pour gérer les entreprises qui produisent des trucs dont on n'a pas vraiment besoin pour vivre. L'autrice exprime parfaitement l'absurdité de la société moderne. Et la couverture m'a plu évidemment.
Titre original : 工場 (Kōjō) Traduction : David Boyle
Yellow Bird (Sierra Crane Murdoch)
Oil, Murder, and a Woman's Search for Justice in Indian Country
Le « boom » pétrolier dans le Dakota du Nord, plus précisément dans la réserve de Fort Berthold. Des gisements de pétrole de schiste que tout le monde cherche à s'approprier. Certains membres de la Nation Mandan, Hidatsa et Arikara (MHA), les trois tribus affiliées, souhaitent l'exploiter eux-mêmes pour que cette découverte profite exclusivement à la réserve. Ils voient là un moyen de se soustraire de leur dépendance vis-à-vis du gouvernement fédéral, atteindre la « souveraineté économique » et décider eux-mêmes de l'usage de l'argent gagné. Mais tout cela prend du temps et d'autres moins scrupuleux et plus avides prennent les devants et récupèrent, pour une bouchée de pain, les droits sur le sous-sol des membres de la tribu ; droits qu'ils revendront à un gros exploitant pour 200 fois plus.
Kristopher Clarke (KC) vient de l'État de Washington. Il est blanc et a 29 ans. Il disparaît le 22 février 2012. Lissa Yellow Bird, qui est Arikara, le recherche depuis l'été 2012, à la suite d'un message posté sur Facebook par la mère de Kristopher qui cherche à obtenir des renseignements sur son fils. Lissa propose de l'aider car elle vit à Fargo, à cinq heures de la réserve où elle rend souvent visite à sa famille. Elle mène sa propre enquête sur les employeurs de KC, sur la société où il travaille, sur toutes les personnes qui gravitent autour de celle-ci, prend de nombreuses initiatives, donne quelques coups de pied dans la fourmilière. Et elle consigne et garde trace de tout. Elle invite la journaliste Sierra Crane Murdoch, intéressée par la disparition de KC, à consulter ses dossiers (fichiers, enregistrements, photos, messages) pour reconstituer toute l'affaire. C'est là que la journaliste décide de raconter l'histoire de Lissa et les meurtres (KC a bien été assassiné et ne sera pas le seul) du point de vue de cette dernière.
Outre l'enquête, Sierra Crane Murdoch s'intéresse aux transformations que subit la réserve à cause du boom pétrolier : loyers exorbitants, crime en hausse, violence accrue en raison de l'arrivée massive de non-Indiens (sur lesquels la police de la réserve n'a aucune autorité), afflux de drogue, trafic de personnes, pollution. Sans parler de la corruption. En effet, il faut être Indien pour exercer dans la réserve et de nombreuses sociétés paient des prête-noms. Les membres de la Nation MHA ont le choix entre profiter des revenus qu'apporte le pétrole, voir cette exploitation d'un mauvais œil ou participer à cette exploitation pour garder un semblant de contrôle sur la situation. Quand le boom « se termine » (quand le prix du baril devient trop bas), la réserve ne semble pas avoir fait beaucoup de progrès.
Le livre ne se résume donc pas à l'enquête proprement dite et c'est ce qui fait tout son intérêt. Il retrace l'histoire de la Nation MHA, le traitement des Indiens par le gouvernement fédéral (expropriations, négligences, pensionnats, massacres, déplacements), les répercussions du boom pétrolier sur la réserve. Il raconte surtout la vie de Lissa et de sa famille : les coups durs, les arrestations, la violence, la ténacité, la volonté, l'éducation. L'ensemble est un peu confus (comme ce compte rendu car je n'ai pas pu prendre de notes), car il y a beaucoup de « personnages », mais constitue un excellent témoignage. J'ai beaucoup aimé.
Merci à Sierra Crane Murdoch, à Random House et à Netgalley pour cet exemplaire en avant-première.
Lissa continue de chercher des personnes disparues. Deux articles :
https://www.hcn.org/articles/tribal-affairs-the-woman-who-searches-for-indian-countrys-missing
https://www.bbc.com/news/world-us-canada-47627701
Un reportage photos sur le boom :
https://www.bloomberg.com/news/photo-essays/2012-11-08/oil-on-the-fort-berthold-indian-reservation
Dominar (Nelson Freitas)
Pas trop fan de kizomba que je trouve trop lente. Mais j'adore la chorégraphie d'Isabelle et de Félicien (même si un mec qui danse en baskets, c'est limite) : https://www.youtube.com/watch?v=xqGRzRLujjo et la chanson sur laquelle ils dansent.