Le quai de Ouistreham (Florence Aubenas)

Pour cette année 2013, hormis les résolutions d'usage, j'avais décidé de m'occuper un peu plus de mon activité. J'ai donc lu le livre sur le métier de traducteur freelance de Corinne McKay (il était sur mon Kindle) pour trouver de nouvelles idées. Tu commences bien, me suis-je dit. A mon retour de Martinique, je devais me plonger dans ces deux livres que j'ai depuis longtemps : l'excellent (à ce qu'on dit) livre sur la localisation de Bert Esselink (que j'avais acheté parce qu'il était au programme d'un cours auquel je devais m'inscrire et qui depuis a été supprimé). Le livre date de l'an 2000 et même si je l'ai acheté quelques années plus tard, ça vous donne une idée de mon degré de "traînitude". Le deuxième traite de l'ERP, domaine dans lequel je travaille beaucoup. A mon retour de Martinique et après avoir terminé Agnes Grey, j'ouvre enfin A Practical Guide to Localization. Mais comme vous avez vu le titre de ce message, vous savez que... Le Quai de Ouistreham (que je veux lire depuis sa sortie) me fait de l'œil et je décide de lire les deux livres en même temps. Ben, j'ai terminé le livre de Florence Aubenas, mais le marque-page reste bloqué au chapitre 2 dans celui de Bert. Alors, je vais vous parler du premier livre, qui n'est pas un roman. Le deuxième non plus d'ailleurs.

Le sujet du Quai de Ouistreham m'avait tout de suite intéressée. C'est peut-être un peu naïf de ma part mais je pensais que courir de (petits) boulots en (petits) boulots pour des "salaires" de misère ne se faisait qu'aux Etats-Unis. Ce n'est pas que je pensais qu'il n'y avait pas de personnes vivant dans la précarité en France, mais il m'était difficile d'en imaginer les causes. Pour cela, le livre de Florence Aubenas était très instructif. Ce qui m'a le plus choquée, c'était évidemment le Pôle Emploi où on ne peut pas d'asseoir, les salons de l'emploi où les candidats sont sélectionnés à l'avance, l'attitude paternaliste de certains patrons (on se croirait revenus au XIXe siècle) et le manque de respect des employés qui eux ont un "véritable poste". J'ai aimé les remarques des gens qu'elle côtoie qui pensent que la crise est encore une invention des nantis pour les exploiter davantage.

Evidemment, on ne peut s'empêcher de penser qu'il ne s'agit pour Florence Aubenas que d'un reportage (même si elle a vécu ses conditions de travail intenables. Je vois déjà comme j'appréhende à chaque fois de nettoyer ma baignoire puisque je refuse d'utiliser les produits qu'on vaporise et qu'on laisse agir...), qu'elle retrouvera sa "vraie vie" et que ce genre d'expérience est un passe-temps de riche. Avez-vous entendu parler d'un SDF qui décide de vivre comme un cadre supérieur pour quelques mois, voire quelques jours ? Ca m'a fait penser à l'émission 30 days de Morgan Spurlock. Mais ça reste un excellent témoignage dérangeant, mais drôle et émouvant aussi.

Bien d'autres journalistes l'ont mise en œuvre avant moi, avec talent : un Américain blanc est devenu noir, un Allemand blond est devenu turc, un jeune Français s'est transformé en SDF, une femme des classes moyennes en pauvre, et je dois en oublier.

Puis il s'en est pris à l'appartement qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter ; au football, qu'il faut regarder à la télé parce que les billets au stade sont devenus trop chers ; à la vie elle-même, qui s'est mise à faire marche arrière.

A Mondeville, vous nettoierez un magasin dans la ZAC de l'Etoile, le mardi et le mercredi de 9h30 à 10h30, vous laverez les sols, vous ferez les poussières, vous désinfecterez les sanitaires, vous viderez les poubelles. Savoir nettoyer les vitres à la raclette est un plus. Dynamisme, autonomie, minutie, rapidité, expérience exigée, savoir lire et écrire. Contrat à durée déterminée de deux jours, deux heures au total.

-Vous avez fait la formation "Lettre de candidature spontanée" ? demande l'une.

-Non, moi j'ai essayé le module "Auxiliaire de vie".

Elle n'a pas été sélectionnée.

-On nous a posé des questions sur le gouvernement. J'ai eu 3 sur 20. J'avais l'air nouille.

L'autre s'étrangle : "Des questions sur le gouvernement ? C'est honteux ! Comme si on était au courant !

(...)

-Et le stage "Comment rédiger une lettre de réponse à une petite annonce", vous l'avez fait ?

-Moi, j'ai eu "Mettre en valeur ses savoir-faire".

(...)-Vous avez entendu les rumeurs sur ces formations ? Il paraît que, si on n'y va pas, on peut être radié.

(...)

-Non, moi j'ai fait "Comment cuisiner équilibré avec un colis du Secours Populaire", mais ce n'était pas organisé par Pôle Emploi, je crois.

Sans que cela soit dit, nous savons que le distributeur n'est pas pour nous, il appartient à un monde du travail auquel nous n'avons pas accès, celui où on décroche son portable quand il sonne et où on ne calcule pas le temps que ça prendra d'aller aux toilettes.

Comments

[Alex mot a mots]

Un témoignage qui m'avait déçu, j'en attendais plus.

[ktizeb]

Ou quand on te convoque à 4h du matin pour un contrat d'une journée... que tu attends pendant deux heures devant un entrepot désert, que tu rentres chez toi frigorifié, et qu'on t'annonce au téléphone quelques heures plus tard "oups on s'était trompés de jour, veuillez vous représenter demain à la même heure au même endroit, et on veut quelqu'un de motivé hein!" ... pour un contrat d'une journée ... (expérience vécue par mon frère)

[Nuku_Hiva95]

>>>Contrat à durée déterminée de deux jours, deux heures au total.



Là, t'as tout compris !