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Sous la grêle osée
15 février 2016

Madame St-Clair, reine de Harlem (Raphaël Confiant)

stclair

La photo, le titre, l'auteur, il me le fallait. Mon frère voulait me l'offrir pour mon anniversaire. Il n'avait pas trouvé le recueil de romans de Modiano lors de son passage à Paris (et aucune des Librairies Antillaises de Martinique ne l'avait non plus). A cette occasion, j'apprends d'ailleurs qu'il croyait que c'était un auteur de romans policiers (j'ai failli m'étouffer). Non merci, je ne veux plus faire entrer de livres chez moi. Je le prendrai à la bibliothèque. Les universités du Colorado aiment beaucoup l'auteur. Bon, il n'y a qu'une bibliothèque qui l'a (et heureusement, il n'était pas encore réservé).

Stéphanie Sainte-Claire quitte sa Martinique natale, fait un passage éclair en France (qu'elle souhaite découvrir après avoir tant lu sur elle) et débarque à New York en 1912. C'est à Ellis Island qu'elle devient Stephanie St. Clair. Pourquoi New York ? A cause d'une photo qu'elle a vue un jour dans un atlas chez ses patrons à Fort-de-France. Sa mère lui avait répété depuis son enfance qu'il fallait qu'elle quitte la Martinique, car la vie y était trop dure pour une femme. Elle réussit à se faire une place dans la pègre de New York. Elle est surnommée Queenie et devient la reine de la loterie clandestine (numbers game ou policy game) de Harlem. Là, elle côtoie l'intelligentsia noire : W.E.B. DuBois (qui habite dans son immeuble et avec qui elle peut parler français), Countee Cullen. Elle doit se battre contre la mafia blanche (Dutch Schultz d'abord, puis Lucky Luciano) dont les revenus baissent après la Prohibition et souhaite opérer à Harlem, combattre la police new-yorkaise corrompue (notamment à l'aide d'annonces dans les journaux) malgré les pots-de-vin qu'elle paie régulièrement, fait quelques séjours en prison (notamment pour tentative de meurtre sur son mari infidèle) et rédige une rubrique pour l'Amsterdam News. A plus de soixante ans, elle se retire dans le Queens.

C'est là qu'elle raconte son aventure à son cousin Frédéric (il l'appelle « ma tante » en raison de leur différence d'âge) venu de Martinique pour la rencontrer. Il a entendu parler d'elle lors d'un cours d'anglais quand son professeur leur avait parlé de la Harlem Renaissance. Il souhaite écrire un livre sur sa vie. C'est ce qui explique la structure un peu chaotique de l'histoire. Frédéric laisse Stéphanie parler librement (elle a plus de soixante-dix ans) et prend des notes. Stéphanie commence une histoire, en raconte une autre, et ne termine la première que plusieurs chapitres plus loin. Son récit ne suit évidemment pas l'ordre chronologique (c'est Frédéric qui devra mettre de l'ordre dans tout ça). Ceci entraîne quelques répétitions, dont certaines sont un peu lassantes ; par exemple, lorsque Queenie dit qu'elle a du mal avec le th. Mais dans l'ensemble, j'ai aimé lire le destin de cette femme exceptionnelle. Je n'ai pas trouvé la description du New York et du Harlem de cette époque spécialement réussie. Mais ce n'est pas vraiment le sujet. Pour la Martinique en revanche, l'auteur est plus inspiré. Evidemment.

Je recommande.

Ma chance à moi, Stéphanie St-Clair, négresse française débarquée au beau mitan de la frénésie américaine, fut qu’à mon arrivée, Harlem commençait à se dépeupler de ses premiers habitants irlandais, puis italiens, lesquels cédaient la place jour après jour, bloc d’immeuble après bloc d’immeuble, à toute une tralée de nègres venus du Sud profond avec leur accent traînant du Mississipi et leur vêture ridicule en coton de l’Alabama. Dès le premier jour où j’ai posé le pied sur cette terre d’Amérique, pourtant pas si éloignée de mon île natale, je décidai que personne ne me marcherait plus sur les pieds ni ne me traiterait en petit Négresse. Personne !

Raphaël Confiant raconte ici le destin d’une femme-gangster exceptionnelle, Stéphanie St-Clair qui, dans le New York des années 1920-1940, devint la reine de la Loterie clandestine. Surnommée « Madame Queen » ou « Queenie » par le milieu, elle aura affronté avec succès à la fois la pègre noire et la mafia blanche du Syndicat du crime.

Madame St-Clair a traversé avec panache toutes les époques, la Prohibition, les émeutes des ghettos noirs, la Première Guerre mondiale, la Grande Dépression de 1929, la Seconde Guerre mondiale et le début du Mouvements des Droits Civiques.

S’enrichissant au point d’habiter Sugar Hill, la partie huppée de Harlem où résidaient les grands intellectuels noirs de la Black Renaissance et les inventeurs (tel Duke Ellington) d’une musique nouvelle, le jazz, elle est devenue une icône à Harlem, mais aussi dans nombre de ghettos noirs du Nord des États-Unis.

Ce roman rend justice à celle qui fut un précurseur de l’affirmation féministe afro-américaine, sans jamais avoir obtenu la notoriété internationale d’une Joséphine Baker, sa contemporaine.

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Commentaires
E
Les médias ont beaucoup parlé de ce livre et j'ai très envie de le lire. C'est bien de savoir que la vie à Harlem n'est pas évoquée car cet aspect m'attirait spécialement.
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L
J'ai beaucoup aimé ce livre :)
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A
Ah oui, j'adore la couv', et je ne connaissais pas cette femme au destin peu commun. Très intéressant ce livre qui retrace toute une époque et dont la thématique sociale semble riche, et puis l'histoire de cette femme ! Ça a l'air fascinant. En plus, je n'ai toujours pas lu Raphaël Confiant. Bref, beaucoup de raisons pour lire ce livre !
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